lundi 20 mai 2013

Qu’est-ce que le syndrome post-traumatique ?



Entretien avec le docteur Auxéméry psychiatre des hôpitaux des armées à l'hôpital Legouest où il exerce depuis 2007. Ses travaux de recherche et publications intéressent les conduites auto-agressives dans les armées, la psychotraumatologie et l'anthropologie médicale." 


Qu’est-ce que le syndrome post-traumatique ?



Chacun peut un jour être psychotraumatisé. Quel que soit son âge, ses références socioculturelles, son mode de vie ou son passé. Au cours de l’histoire, les guerres ont entraîné beaucoup de traumatismes psychiques parmi les soldats et les populations civiles. Mais les traumatismes sont aussi présents en temps de paix comme résultant d’agressions, de viols, d’accidents domestiques ou d’accidents de la voie publique.
L’évènement traumatique peut être défini comme un moment où le sujet est confronté à une situation de menace et d’anéantissement pour lui même ou pour autrui, et/ou se trouve à proximité de sujets gravement blessés ou décédés. C’est un moment incontrôlable, imprévisible et brutal. La personne est alors envahie par une frayeur, un sentiment d’impuissance et d’horreur.

Assez rapidement après le drame, ou bien parfois des décennies après, peut se manifester un syndrome de répétition traumatique. L’évènement est revécu par des images, des rêves, des pensées ou des illusions obsédantes. La scène traumatique assaille le sujet psychotraumatisé de jour comme de nuit, le murant dans l’angoisse initiale de la confrontation à la mort, angoisse qui resurgit à l’identique du jour de l’accident.
Un syndrome de répétition traumatique est défini par trois symptômes cardinaux : les reviviscences traumatiques, l’hyperactivité neurovégétative et les stratégies d’évitement cognitives et comportementales :
1) Lors des reviviscences (ou flashbacks) le sujet revit strictement, à l’identique du présent, la scène d’horreur du traumatisme avec sa charge de détresse émotionnelle initiale.
2) S’associe une hyperactivité végétative : le patient est en permanence sur le qui-vive en éprouvant un sentiment d’insécurité générateur de troubles du sommeil et d’irritabilité.
3) Enfin, des stratégies d’évitements psychiques et comportementales se développent pour tenter d’oublier toute pensée, tout lieu, toute circonstance et tout individu qui pourrait rappeler les circonstances traumatiques.


Depuis quand est-il reconnu et comment est-il  pris en compte par les armées ?

Si les troubles psychiques de guerre sont connus depuis l’antiquité, il faudra attendre la fin de guerre du Vietnam pour que les psychiatres américains renomment le traumatisme psychique en proposant des critères officiels internationaux de définition qui permettent aux vétérans d’obtenir des pensions.

En France, la fin des guerres d’indépendance d’Indochine puis d’Algérie ont permis aux médecins militaires d’acquérir une solide connaissance au sujet des troubles psychiques psychotraumatiques. Les psychiatres militaires ont été impliqués dans la rédaction du texte de référence actuel, le décret du 10 Janvier 1992 permettant la reconnaissance des pathologies post-traumatiques en tant que blessures psychiques ouvrants des droits à réparation.


Qu’en est-il de la recherche ?

Les troubles psychiques post-traumatiques sont l’objet de nombreux travaux de recherche en milieu civil et militaire. Globalement trois axes de travail doivent être privilégiés : la recherche clinique, la recherche neurobiologique et la recherche socio-anthropologique. Dans les armées, l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées développe plusieurs programmes de recherche scientifique en partenariat étroit avec les services cliniques des hôpitaux militaires.

Quelles sont les méthodes employées pour soigner cette pathologie ?
La prévention secondaire par la technique de débriefing dans les jours suivants un évènement traumatique est une première étape de la prise en charge de soldats exposés. C’est pourquoi des psychologues et des psychiatres sont régulièrement déployés auprès des troupes sur les théâtres d’opération afin d’offrir ces premiers soins d’urgences.
Si un syndrome de répétition traumatique devient chronique, une psychothérapie proposée par un thérapeute formé à la psychotraumatologie est l’offre de soins à privilégier, souvent en association à un traitement pharmacologique ponctuel pour diminuer les anxiétés et les insomnies.

Quel est le pourcentage des soldats affectés par ce syndrome lors de leur retour d’opérations, comment démarre  la prise en charge ?
Pour les années 2010 et 2011, plus de 400 patients militaires souffrant de syndrome post-traumatique ont été nouvellement déclarés à la surveillance épidémiologique des armées. La moitié de ces soldats ont consulté directement à leur initiative personnelle, un tiers s’est rendu à la consultation sur demande de leur entourage et/ou du commandement, un quart ont été dépisté systématiquement par les médecins d’unité.

Rencontrez-vous des cas difficiles ? (refus d’être soigné, comportements à risque, refus par le patient d’évoquer la situation vécue, etc)
Certains patients militaires étaient réticents à évoquer leurs difficultés du fait d’une crainte de stigmatisation ou de peur qu’une blessure psychique puisse affecter leurs perspectives de carrière. Ces craintes n’ont pas lieu d’être aujourd’hui. Ces dernières années, grâce à la communication qui a été réalisée sur les troubles psychiques de guerre, nos soldats consultent plus volontiers spontanément. Un militaire d’active comme un vétéran peuvent bénéficier de soins dans les lieux de leur choix : auprès des centres médicaux des armées et des hôpitaux d’instruction des armées, mais aussi auprès de psychiatres en milieu civil. Il nous semble toutefois que nombres de soldats souhaitent être reçus par un médecin militaire, généraliste ou psychiatre, qui connaît bien à la fois la vie de soldat et la clinique précise des troubles psychiques de guerre.

Quel est le taux de guérison et  retrouvent ils tous une vie professionnelle et sociale normale ? Peuvent-ils rechuter ?
Dans la majorité des cas, il nous semble que si les soldats bénéficient de soins diligents, les troubles post-traumatiques sont de bons pronostics. Parfois, il arrive qu’un syndrome de répétition traumatique se fixe et devienne chronique. Plus souvent, après une phase d’accalmie sans aucun symptôme, des flashbacks rejaillissent dans les suites de difficultés familiales ou professionnelles. Dans tous les cas des perspectives thérapeutiques sont envisageables avec de bons résultats : il faut demander une aide médicale dés les premiers symptômes.

Le soutien médical dans les armées prévoit un « sas de fin de mission » pour le personnel de retour d’OPEX. Comment cela se déroule t-il, depuis quand ? Sommes-nous la seule armée à le faire ? Quel est le « taux de satisfaction » des soldats qui sont passés par ce sas de « décompression » ?
Depuis 2009 a été mis en place le SAS de fin de mission à Chypre, organisé sur quelques jours, afin de favoriser un retour à la normale. Les objectifs sont en fait multiples : accompagner la dissolution du groupe soudé par la mission, se projeter dans un retour au quotidien des activités de garnison, informer sur les possibles répercussions psychotraumatiques en indiquant les différentes possibilités pour trouver de l’aide. Une étude conduite par la Direction des Ressources Humaines de l’armée de terre a établi que 90% des militaires étaient satisfaits de cette aide apportée.
 

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